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La Vire
Un cours d'eau
Une beauté à nos portes
Ce n'est pas du joli...joli
Quel gachis
L'aide des spécialistes
De l'espoir
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- Pour l’instant, ce n’est pas du joli, joli

- Un physique balafré

Redressons maintenant les 24 ouvrages hydrauliques dont 8 utilisés pour la production d’électricité. Que se passe t-il ?

On crée de grands réservoirs d'eau calme (biefs) séparés entre eux par le reliquat des zones à salmonidés.

- Des brochets partout pareils

Il est estimé avec la méthode de calcul utilisé pour la réalisation du PDPG (voir partieV.3) que le brochet peut vivre dans ces milieux en plus grand nombre que sur les radiers originels. En fait, ces vastes volumes d'eau stagnante et relativement pauvres en abris ne sont pas capables d'accueillir plus d’individus que les fosses et les plats courants naturels qu’ils remplacent.

En revanche, la capacité de recrutement y est toujours très insuffisante : il est très difficile pour notre espèce de trouver des zones inondées à la saison de reproduction. La Vire coule dans une vallée encaissée dont la pente est relativement importante et la nature de son sous-sol entraîne un rythme de crues et de décrues trop rapide. Lorsque les zones propices existent, elles sont très difficiles d'accès pour ce poisson, du fait de la canalisation du lit mineur (berges abrupts, bourrelets). Le drainage agricole, la destruction des haies bocagères et l’imperméabilisation des sols urbains et périurbains accroissent la violence et la soudaineté des crues. Les barrages écrêtent les niveaux d'eau, ce qui réduit encore la durée de submersion des prairies humides nécessaires à la reproduction.

Le problème est à peu près similaire pour le poisson fourrage.

- Des migrateurs pas si heureux dans la Vire manchoise

- Une pénurie de lits douillets pour les géniteurs

La mise en place des biefs sur la Vire a eu pour conséquence immédiate d'ennoyer une grande partie de leurs zones de reproduction (radiers) qui constituent également la zone de croissance des tacons. Ces derniers s'établissent un ou deux ans sur les radiers avant leur migration de dévalaison vers l'estuaire et la mer.

La quantité de jeunes salmonidés produite sur un bassin versant est proportionnelle à la surface favorable qu'il offre. On peut facilement calculer la quantité de juvéniles qu'un cours d'eau peut produire en recensant l'ensemble des zones propices (les radiers, les rapides et pour une plus faible part, les plat courants). Chaque année, la fédération conduit en partenariat avec le CSP une campagne régionale d'indices d'abondances en juvéniles de saumon : il s'agit de pêches électriques avec un protocole spécifique aux saumons de moins d'un ans, pour estimer ce qui a été produit. On a pu constater qu'en moyenne plus de 80 % des tacons étaient produits dans le Calvados, le reste dans la Manche : la colonisation de l'espèce sur le bassin tient principalement des productions annuelles réalisées dans le réseau de ruisseaux de la Haute Vire. Cela rend la réussite des reproductions très vulnérable aux accidents climatiques (sécheresses printanières et estivales) puisque les petits systèmes sont les premiers à s’assécher.

La forte régression des surfaces favorables à la reproduction sur la Moyenne Vire, résultant de la mise en bief et de la canalisation, a amputé d'autant le retour en géniteurs. Le cours principal de ce tronçon, malgré sa longueur et sa largeur, ne représente que 21 % des surfaces favorables totales. Ce chiffre correspond à un retour théorique de 81 adultes sur les 380 estimés sur l'ensemble du bassin versant.

En 2002 et 2003, les remontées comptées à l'observatoire des Claies de Vire furent de 240 et 166 géniteurs de saumons. Ces chiffres sont à comparer à ceux de la Sée où il est estimé un retour de 1 200 poissons, et plus en réalité.

- Du sport, encore du sport, ça fatigue !

Même équipé d'une passe fonctionnelle, un barrage entraîne un retard à la migration : difficulté plus ou moins grande pour trouver l'entrée, conditions ne permettant pas toujours la fonctionnalité du système installé (arbres, branches bloquant la sortie de la passe). Pour les migrateurs, la Vire a fait l'objet d'un classement au titre de l’article L. 432-6 du Code de l’environnement, par le décret du 23 février 1924. Cette obligation légale prévoit que «]…[ tout ouvrage doit comporter des dispositifs assurant la circulation des poissons migrateurs. L’exploitant de l’ouvrage est tenu d’assurer le fonctionnement et l’entretien de ces dispositifs ». Le manque d’entretien des passes à poissons est puni d’une amende de 12 000 euros (article L.432-8 du Code de l’environnement).

Il en résulte une diminution de fréquentation des frayères et une dépense énergétique supplémentaire pour le passage, préjudiciable aux reproductions.

Prenons le cas de l'alose qui est un nageur peu endurant : une partie des géniteurs remontant dans la Vire se retrouve forcée de frayer dans le dernier radier en aval du barrage de Saint-Lô, très difficilement franchissable pour l'espèce. Environ 2 000 aloses, recensées aux Claies de Vire, s’y rendent chaque année. Les couples se succèdent sur la frayère à la période de reproduction de mai à juillet.

- Petit deviendra grand, quoique

Les juvéniles salmonidés pénètrent dans les biefs au moment de leur migration de dévalaison. Un certain temps leur est souvent nécessaire pour trouver le chemin de la sortie, durant lequel ils sont relativement vulnérables aux carnassiers postés dans ces eaux calmes et contre lesquels ils ne sont pas adaptés, car ils dévalent en surface et ont les flancs clairs.

Les microcentrales encore fonctionnelles qui ne pratiquent pas le chômage nocturne font courir un risque supplémentaire aux juvéniles, s'ils passent dans les turbines. Une étude commandée par la DDAF 50, sur la base d'un diagnostic des installations de la Vire et d'un modèle de simulation théorique éprouvé, a estimé qu'en moyenne 16,2 % de la production de smolts était perdue de la sorte.