Impacts et implication du busage sur le milieu aquatique bas-normand

Novembre 2007

 

Problématique

Pratiques d’installation, elles se sont multipliées sous les réseaux routiers et ferroviaires, les entrées de propriétés riveraines et sous les passages entre les parcelles agricoles. Les buses remplacent le fond des cours d’eau par un substrat lisse. Ce sont des dispositifs simples, destinés au transit d'un flux hydraulique. Conçues pour la circulation d'eaux industrielles, sanitaires ou pluviales, elles sont à proscrire absolument et définitivement dans les cours d'eau, car inadaptées aux flux solides et biologiques incessants qui y transitent, elles y génèrent des désordres écologiques  multiples.

Fabien Goulmy - FDPPMA 50

Par facilité, une mauvaise habitude

Les récents rapports d'études de terrain, destinés au diagnostic des perturbations de la  fonctionnalité des cours d'eau de faible largeur, en Basse-Normandie, révèlent la part significative de la perte de fonctionnalité des milieux prise par la prolifération de busages. Plus discrets que les barrages ou les seuils sur les cours principaux, leur densité peut être importante. Ces ouvrages provoquent des discontinuités écologiques artificielles et donc des dysfonctionnements, sur les systèmes touchés.

La plupart d’entre elles, en lien avec leurs caractéristiques propres (forme, longueur, diamètre, vitesse du courant une fois mises en charge), ou avec leur calage dans le lit mineur (pente, épaisseur de la lame d’eau, chute en aval), constituent des obstacles à la migration piscicole, totaux, partiels ou intermittents.

Leur mauvais calage, couplé à un sous dimensionnement de leur diamètre, engendre souvent une érosion progressive (en aval) ou régressive (amont). Le remous (zone stagnante) engendré en amont, est source de banalisation morphodynamique : multiplication de zones de courants lents ou sédimentent les fines, le sable et où l'eau s'échauffe.

  • Leur encombrement par quelconque embâcle induit régulièrement des débordements pouvant conduire à des risques d'inondations locales.
  • La fonction d’auto-épuration du cours d’eau est inexistante à l'intérieur de l'ouvrage.
  • La valeur paysagère du cours d'eau est anéantie.

 

Attention ! La Réglementation française a changé, elle devient plus draconienne

Les busages de cours d’eau constituent une modification du mode d’écoulement des eaux, soumis à procédure administrative selon le Code de l’Environnement. Ils font parties des opérations susceptibles d’être soumises à procédure de déclaration ou d'autorisation. Les rubriques de la nomenclature concernées par les busages de cours d’eau sont les suivantes :

3.1.3.0 –  Installations ou ouvrages ayant un impact sensible sur la luminosité nécessaire au maintien de la vie et de la circulation aquatique dans un cours d’eau sur une longueur :

  • supérieure ou égale à 100 m : Autorisation
  • supérieure ou égale à 10 m mais inférieur à 100 m : Déclaration

3.1.2.0 – Installations ou ouvrages conduisant à modifier le profil en long ou le profil en travers du lit mineur* d’un cours d’eau, à l’exclusion des protections ou consolidation de berges :

  • sur une longueur de cours d’eau supérieure ou égale à 100 m : Autorisation
  • sur une longueur de cours d’eau inférieure à 100 m : Déclaration

3.1.1.0 – Installations, ouvrages, remblais et épis dans le lit mineur d’un cours d’eau, constituant un obstacle à l’écoulement des crues : Autorisation

3.1.5.0 – Installations, ouvrages, travaux ou activités, dans le lit mineur d’un cours d’eau, étant de nature à détruire les frayères, les zones de croissance ou les zones d’alimentation de la faune piscicole, des crustacés et des batraciens :

  • destruction de plus de 200 m² de frayères : Autorisation
  • dans les autres cas : Déclaration


En résumé, la mise en place d’une buse dans un cours d’eau est au moins soumise à déclaration quelle que soit sa longueur, alors que la mise en place d’un pont cadre n’est soumise à déclaration qu’à partir d’une longueur de 10 mètres.

Est-il possible de buser en limitant l'impact sur le système d'eau courante ?

Difficilement. Pour y parvenir, il faut que l'ouvrage se comporte vis-à-vis du ruisseau comme un pont, et non comme un « pipe-line ». Il faut réussir à escamoter « l'effet dalle » du fond — lisse — de la buse, et l'effet « tuyau sous pression », lors des crues. Le dimensionnement et sa disposition dans le sol doivent autoriser l'installation d'un fond naturel et permanant ; pour qu'il soit « transparent » pour l'eau qui circule (ni accélérée, ni freinée) et la faune qu'il abrite. Dès lors, on se rend souvent compte qu'il existe des solutions techniques plus efficaces et plus satisfaisantes, telles qu'un pont, sur les routes ; une passerelle entre les champs et sur les chemins ; les modules béton de section en U

La buse est un choix risqué, pour l'usage des terrains environnants comme pour le cours d'eau.

Pour s'en convaincre, nous allons détailler les prescriptions techniques qu'il convient de respecter pour ne pas créer d'altérations sur le milieu, lorsqu'il a été  décidé, et accepté bien sûr, de buser un cours d'eau. Leur bien-fondé se base sur les écueils constatés de manière quasi générale sur notre réseau hydrographique.

Pour l'écologue, le passage du cours d'eau sur une dalle est source des facteurs limitants. Un facteur limitant est un élément rédhibitoire qui va bloquer le système. Sur un même ouvrage, plusieurs peuvent se cumuler, mais l'existence d'un seul suffit à engendrer un cloisonnement. D'expérience, si une des prescriptions techniques qui suivent n'était pas réalisable, il conviendrait de reconsidérer le choix d'une buse, au profit d'une passerelle, d'un pont cadre ou autre. Sans cela, il est couru que l'ouvrage s'avèrera néfaste à plus ou moins longue échéance…

Objectifs de la mise en place

Cette dernière est extrêmement délicate et nécessite une expertise fine. Il s'agit de réussir à anticiper l'effet des deux périodes de débits extrêmes qui emprunteront l'ouvrage : l'étiage et la crue.

Pour que les flux (dans les deux sens, pour la faune) se réalisent correctement et sans dégâts, les objectifs à atteindre sont :

  • Obtenir une flaque permanente dans l'ouvrage en période de basses eaux. Pour y parvenir, il va falloir jouer à la fois sur le calage et sur l'implantation des modules.
  • Garantir une mise en charge modérée durant les épisodes de crues. Le risque réside dans l'accélération du courant qui provoquera inévitablement une érosion active en aval, et sera vite infranchissable par la plupart des poissons. En plus du calage et de l'implantation des modules, il ne faut surtout pas hésiter à être généreux sur la section retenue.

Paramètres à prendre en compte

Ils sont 3, à ajuster pour éviter cloisonnement, érosion et inondations :

  • La taille de la section, c'est à dire le diamètre interne,
  • L'implantation horizontale des modules.
  • Le calage vertical en amont et en aval.

Le diamètre de la section d'un module de buse doit être choisi  25 % supérieur, minimum, à la largeur moyenne du lit mineur au niveau du tronçon d'installation. Plus c'est large et meilleur c'est, car on peut alors plus l'enfoncer et conserver un écoulement libre sur fond de gravier.

Le calage

Il est essentiel. La buse doit être posée à l'horizontale, enfoncée dans le fond du lit d'1/4 de son diamètre, ainsi :

  • Un fond pourra s'installer dans l'ouvrage,
  • le franchissement par la faune aquatique est assuré,
  • l'érosion en aval est minime,
  • la zone de dépôt en amont est faible.

L'implantation

Elle doit respecter quelques règles absolues

 

Ne créer aucune chute, sans quoi :

  • Elle sera infranchissable par tout ou partie de la faune aquatique.
  • Elle provoquera une érosion en aval.
Installer le busage à l'horizontal

Sans cela, la pente créée accélère la vitesse et donc la force du courant  qui aura pour effets néfastes de :

  • Limiter ou bloquer le passage des poissons.
  • Générer une érosion importante en aval.
Caler à l'horizontale et récupérer le dénivelé par l'usage d'un diamètre approprié

Ainsi :

  • La lame d'eau demeure confortable et permanente.
  • L'écoulement n'est pas accéléré.
  • L'érosion en aval et la sédimentation en amont sont limitées.

Si le dénivelé est trop important pour être absorbé par le diamètre, l'usage d'une dimension inférieure génèrera soit une pente, soit une chute. Le choix d'une buse est donc inapproprié.

Poser un unique module pour toute  la largeur du cours d'eau

Un autre grand classique est la configuration pourtant dangereuse et très disgracieuse qui consiste à poser plusieurs modules côte à côte ou à les empiler.

Les conséquences :

  • S'obstruent rapidement et causent des inondations puis un cloisonnement.
  • Génèrent de l'érosion  en aval, car la somme des effets hydrauliques s'avère toujours supérieure à ceux du module unique de section identique.
  • Zone de dépôt en amont.

Ces prescription techniques sont nécessaires à la fonctionnalité écologique (hydraulique, morphodynamique et biologique) et mécanique (sécurité des biens et des personnes) des cours d'eau d'implantation.

 

Ce type d'installation est maintenant soumis à déclaration ou à autorisation par l'Administration chargée de la police de l'eau. Rappelons que désormais, cette dernière peut s'opposer au projet s'il présente un risque, même dans le cadre d'une simple déclaration. C'est pourquoi elle impose, pour chaque dossier présenté, des prescriptions techniques visant à limiter l’impact de l’ouvrage, voire à demander des mesures compensatoires :

 

« Choisir le dimensionnement et le calage de la buse dans le lit de façon à exclure toute perturbation significative du régime hydraulique du cours d’eau et de l’écoulement naturel. Ces deux paramètres doivent être compatibles : avec la vie abritée par le cours d'eau, ne pas cloisonner le système, garantir la stabilité de son installation et celle du lit mineur en amont et en aval. Enfin, l'ouvrage sera régulièrement contrôlé et entretenu. »

 

Rappelons enfin que tout busage réalisé sans accord préalable de l'Administration constitue un délit susceptible d'entraîner des poursuites après constatation.

 

Lors de travaux

Un plan de chantier vous sera demandé, afin de garantir l'innocuité de l'intervention sur le cours d'eau concerné :

  • Les travaux ne pourront pas être de nature à détruire les zones de frayères, de croissance, d’alimentation ou de réserve de nourriture de la faune aquatique  et amphibienne. Si tel est le cas, le déclarant doit avoir fait au préalable la déclaration ou la demande d’autorisation concernant la rubrique 3.1.5.0 mentionnée plus haut et avoir le récépissé de déclaration ou l’autorisation.
  • L’écoulement des eaux ne doit pas être entravé. Il faut fournir la garantie de sa capacité d’intervention rapide de jour ou de nuit afin d’assurer le repliement des installations du chantier en cas de crue subite et massive.
  • Pendant la durée des travaux, tout apport de polluant ou de charge solide, immédiat ou différé, est proscrit. Toutes les dispositions nécessaires à cet égard doivent être prises et les travaux réalisés avec le souci constant de la préservation l'environnement et des milieux aquatiques.
  • La mise en place des bétons appelle une attention particulière afin que leurs pertes de laitance ne polluent pas les eaux. Les produits susceptibles de porter atteinte à la qualité des eaux sont stockés hors d'atteinte de celles-ci. Aussitôt après l'achèvement des travaux, tous les décombres, terres, dépôts de matériaux qui pourraient subsister doivent être enlevés.
  • Un compte rendu de chantier sera adressé au préfet à la fin des travaux, Il aura été établi au fur et à mesure de l'avancement. Il doit retracer le déroulement des travaux, toutes les mesures prises pour respecter les prescriptions de l'Administration ainsi que les effets identifiés de l'aménagement sur le milieu et sur l'écoulement des eaux. Ce compte rendu doit être gardé à la disposition des services chargés de la police de l'eau.

 

Et maintenant ?

Avec l'échéance de la Directive Cadre Européenne qui approche, plus le choix, il faut que ça fonctionne. Objectif : bon état écologique des cours d'eau en 2015 : de l'eau claire, des petites bêtes, plein de petites bêtes, et les bonnes encore ! Et des poissons partout. Ce n'est pas un rêve, ami pêcheur, pas une lubie, c'est obligatoire, sinon, la France paiera des amendes à l'Europe. Il n'est donc plus question d'attendre, de déplorer ce qui aurait pu être fait et constater ce qui est ; laisser faire des travaux sur les cours d'eau dommageables, des travaux qui devront être revus ou défaits tôt ou tard.

Les busages, comme toutes les perturbations recensées, devront être réduits, traités. La première action va consister à informer les intéressés de la nouvelle nomenclature et des effets de ses travaux. Les services techniques chargés de l'entretien de la voirie, les exploitants agricoles et les particuliers doivent abandonner cette habitude. Ensuite, il émerge sur la plupart des bassins versants des projets d'entretien et restauration. Ils intègrent de plus en plus la problématique "morphodynamique" où le busage apparaît comme une part significative. Là où ce n'est pas le cas, les pêcheurs peuvent s'associer à la structure porteuse, afin d'intervenir spécifiquement sur  le cloisonnement.

 

Que faire des ouvrages problématiques ?

Lorsqu'ils sont en pente, multiples, haut-perchés, il ne reste plus qu'à les remplacer par un dispositif adapté. Malheureusement, cette solution peut s'avérer onéreuse ou techniquement délicate dans certaines configurations : sous les routes, les coins inaccessibles… Il faut alors envisager des palliatifs pour permettre le franchissement par nos chers poissons.

Pour réduire une chute, on aménage des pré-seuils en aval de l'ouvrage, qui forment autant de vasques qu'il en est nécessaire pour récupérer la hauteur, chaque vasque assumant 20 centimètres environ. Simple techniquement, c'est une solution qui est très artificielle passagèrement, et morphodynamiquement.

Pour rattraper une lame d'eau trop mince, à cause d'un fond calé trop haut, ou d'une légère pente dans l'ouvrage, si le diamètre le permet, il est possible d'ancrer des dispositifs, en bois, en métal ou en béton, qui augmentent la lame d'eau et en ralenti l'écoulement au niveau du fond : se sont des déflecteurs offsets. Comme les pré-seuils, ils n'améliorent pas les problèmes morphodynamiques posés par l'ouvrage.

Participez à la limitation des busages délétères

Lors de vos prochaines parties de pêches ou promenades, si vous passez au sec sur un cours d'eau, penchez vous et observez ce qui permet ce passage. Analysez la configuration et envisagez son effet sur la vie de nos truites, de nos chabots.

Si vous rencontrez une personne projetant de mettre en place un busage dans un cours d’eau, orientez la vers la Direction Départementale de l’Agriculture et de la Forêt, Mission InterServices de l’Eau, Cité Administrative – Bâtiment B – BP 60 355, 50 015 SAINT LO CEDEX, 02.33.77.52.67

Il ne faut pas hésitez pas à contacter la MISE pour un conseil ou pour prendre rendez-vous avec un agent du service. La demande de déclaration est obligatoire. Avec vous, une analyse de votre projet sera menée afin de vous indiquer la procédure et les démarches à suivre.

Autres contacts utiles

Fédération de la Manche pour la Pêche et la Protection du Milieu Aquatique

  • 16, rue du Pont l'Abbé
  • 50 190 Périers
  • 02.33.46.96.50

Cellule d'Assistance Technique pour l'Eau et la Rivière

  • Le Moulin de Ségrie
  • 61 100 Ségrie Fontaine
  • 02.33.66.01.07

Syndicat Mixte du Val de Vire

  • Promenade des Ports
  • 50 000 Saint-Lô
  • 02.33.72.56.70