Le fonctionnement d’un écosystème « rivière », d’ailleurs comme tous les écosystèmes naturels, est basé sur un cycle où s’enchaînent des successions de molécules minérales (nitrates, phosphates, …) puis organiques (sucres, protéines). Ces molécules passent d’organisme en organisme pour les enrichir en matière vivante et faire fonctionner leur métabolisme. La chaîne alimentaire (ou réseau trophique) est la relation alimentaire la plus simple. Il s’agit d’une suite (ou maillons) d’êtres vivants dans laquelle chaque individu mange celui qui le précède. Thomas Guilloré, agent technique du Conseil Supérieur de la Pêche nous explique son fonctionnement.

S’il n’y avait pas de végétaux, les animaux, dont l’homme, ne pourraient pas se nourrir.

 

Les plantes, premier maillon de la chaîne alimentaire, sont appelés les « producteurs » ce qui signifie « producteurs de matière organique à partir de matière minérale ».

chainea3

 

Un résumé avant une grande tirade

Le jour, les plantes consomment du gaz carbonique (CO2) et libère de l’oxygène (O2). C’est la photosynthèse.

La nuit, les plantes consomment de l’oxygène et rejettent du gaz carbonique. C’est la respiration. Il est à noter que les plantes respirent aussi la journée mais la photosynthèse l’emporte.

Ces notions sont fondamentales dans les milieux aquatiques, principalement lorsque l’on est confronté à une dystrophisation, c’est-à-dire une explosion d’algues dans les cours d’eau. La nuit, les algues, respirant, peuvent consommer tout l’oxygène dissous dans l’eau, ce qui provoque la mort par asphyxie des poissons, bien qu’en journée la quantité d’oxygène soit importante.

chainea

 

La grande tirade :

Le détail du fonctionnement des plantes chlorophylliennes

 

Les aliments de la plantes

La nourriture des plantes est l’eau, les sels minéraux (nitrates : NO3- et phosphates : PO3-) et le dioxyde de carbone (CO2). Dans le milieu aquatique, les sels minéraux et le dioxyde de carbone, ainsi que l’oxygène, sont dissout dans l’eau.

L’eau et les sel minéraux sont assimilés par les poils absorbants des racines. Le dioxyde de carbone pénètre au niveau des feuilles.

 

La transformation des aliments

Ces substances minérales simples sont synthétisées en matière organique (glucide, lipides et protéines). Cette synthèse a lieu en deux étapes :

  • au niveau des feuilles : c’est la synthèse de glucides. La réaction chimique simplifiée est : le gaz carbonique (CO2) prélevé dans l’air ou l’eau et l’eau (H2O) réagissent pour donner du glucide (C6H12O6 : sucre et amidon) et libérer de l’oxygène (O2).

Au niveau des divers organes de la plantes (tiges, feuilles) : c’est l’utilisation des glucides pour élaborer la matière végétale (lipides et protéines pour la croissance de la plante ou le développement des fruits, …). La fabrication des protéines nécessite de l’azote (provenant des nitrates) et du phosphore (provenant du phosphate).

  • chainea2

 

Le bain de soleil

La lumière (provenant naturellement du soleil) constitue la source d’énergie utilisée par les végétaux pour effectuer les synthèses de matière organique. On parle pour cette raison de photosynthèse (synthèse utilisant des photons, c’est-à-dire de la lumière). Les feuilles vertes des plantes jouent le rôle de capteur de l’énergie solaire grâce à leurs chloroplastes (cellules chlorophylliennes, usines de la photosynthèse). C’est pourquoi on appelle les plantes vertes des végétaux chlorophylliens.

Après les producteurs, les consommateurs vont se succéder. Ils sont hiérarchisés en plusieurs ordres :

Les consommateurs de premier ordre mangent les producteurs, ce sont les herbivores. Ceux-ci sont consommés par les consommateurs de deuxième ordre, ce sont les omnivores (ils se nourrissent aussi de végétaux). Ces consommateurs de deuxième ordre sont la nourriture privilégiée des carnivores, dit consommateurs de troisième ordre.

Au-dessus de ces derniers viennent les consommateurs de quatrième ordre, les prédateurs. Au bout de cette chaîne, on peut y mettre l’homme, super prédateur et consommateur de cinquième ordre.

Cette catégorie d’organismes est indispensable au bon fonctionnement de l’écosystème. Elle est composée de détritivores et de décomposeurs. Ces organismes participent à l’épuration des eaux.

chainea4

chainea5

chainea6

chainea7

chainea8

 

Les détritivores

Ils se nourrissent de matière organique morte, végétale ou animale. Ils assurent la fragmentation de plus en plus poussée de la matière organique morte. Cette dernière passe d’un tube digestif à l’autre et subit une fragmentation de plus en plus fine qui favorise l’action ultérieure des décomposeurs.

 

Les décomposeurs

Ce sont les bactéries et champignons. Ils décomposent les résidus organiques qu’ils minéralisent (transformation de la matière organique en sels minéraux). Les produits de cette dégradation sont le gaz carbonique, les nitrates et les phosphates qui sont à nouveau réabsorbés comme nourriture par les végétaux. Sans ces décomposeurs, les végétaux chlorophylliens seraient privés des éléments indispensables à leur nutrition.

Le cycle de la vie et de la mort qui anime l’écosystème est alors bouclé.

Le schéma d’une chaîne alimentaire est une pyramide dont la base est composée par le maillon des producteurs. Au sommet, c’est le maillon des superprédateurs, l’homme. Les éboueurs ne sont pas présentés sur cette pyramide mais à côté.

 

Pourquoi une pyramide ?

Cette représentation « en pyramide » montre la diminution du nombre d’individus et celle de la masse de matière vivante d’un maillon à l’autre. Cela s’explique par la double fonction des aliments :

  • Ils sont sources de matière : ils fournissent les matériaux nécessaires à la construction de l’organisme (croissance) et à son fonctionnement.
  • Ils sont aussi source d’énergie nécessaire aux travaux internes de l’organisme au repos (synthèses, reconstruction des membranes cellulaires) et pour les dépenses supplémentaires lors d’activité physique.

Une partie des aliments ingérés est, aussi, éliminée dans les excréments.

 

Une station d’épuration naturelle

La chaîne alimentaire nous montre que les maillons sont interdépendants entre eux (une proie à plusieurs prédateurs et un prédateur à plusieurs proies).

Si l’un de ces maillons ne fonctionne plus, l’ensemble de la chaîne est déstabilisé.

Si l’on veut que cette chaîne alimentaire soit complète, il faut maintenir tous les habitats et pour tous les stades pour tous les organismes. Ainsi, une chaîne alimentaire en équilibre dans les rivières démontre une capacité auto-épuratoire optimale (l’eau est ainsi de très bonne qualité car épurée, ce qui permet d’augmenter la ressource en eau potable et de diminuer les techniques de potabilisation et donc le coût de l’eau du robinet).

chainea1

 

Une pollution est définie comme une sursaturation des capacités auto-épuratoires du cours d’eau. Il est tellement gavé (par déversement de substances organiques ou chimiques) ou perturbé (par des travaux de modifications du milieu) que la chaîne alimentaire est déstabilisée. Le cours d’eau va mettre en place une stratégie pour revenir à son état initial. Il y arrivera si toutes les perturbations sont arrêtées.

 

Exemple de la dystrophisation

Une dystrophisation est un dysfonctionnement dans la chaîne alimentaire. Elle se déclenche avec un apport excessif de sels minéraux (nitrates et phosphates) qui sont d’origine agricole et des eaux usées domestiques. La chaîne alimentaire va s’adapter à cet apport : les producteurs, ayant une nourriture en abondance, vont se développer.

L’association d’une eau chaude en période estivale dans les rivières permet au phytoplancton de se multiplier. Ce phénomène est appelé bloom algal. Il n’est pas sans conséquence pour les maillons supérieurs car il se caractérise par une pellicule verdâtre à la surface de l’eau. La lumière ne peut plus pénétrer ; ce qui empêche le développement des autres végétaux aquatiques (pas de lumière, pas de photosynthèse). C’est une source de nourriture en moins pour les consommateurs de premier ordre, les herbivores. Ceux-ci n’étant plus présents, les consommateurs de deuxième ordre ne vont pas rester longtemps dans un milieu sans nourriture. Et ainsi de suite jusqu’au consommateur de cinquième ordre, c’est-à-dire l’homme.

Cette disparition de ces consommateurs n’est pas un phénomène facile à mettre en évidence lors d’une dystrophisation. Par contre, ce qui se vérifie facilement sur le terrain est la perte d’oxygène dissout dans le cours d’eau (petit rappel : la nuit , les végétaux respirent en consommant de l’oxygène et rejetant du gaz carbonique ; si les végétaux sont en quantité importante, ils peuvent prélever tout l’oxygène du cours d’eau). Une consommation totale de l’oxygène de l’eau est responsable de la mortalité de tous les organismes aquatiques. C’est pourquoi on peut trouver des poissons flottant sur le ventre, la bouche ouverte : ils sont morts par asphyxie.

 

Autres perturbations néfastes

D’autres perturbations sont les pollutions toxiques (par des produits chimiques ou des herbicides de traitement de bord de cours d’eau). Un ou plusieurs maillons de la chaîne alimentaire peuvent être détruits. La réponse de l’écosystème est une perturbation générale de tous les maillons de cette chaîne.

Les modifications du milieu (curage, barrage, création de plans d’eau) modifient aussi l’équilibre de la chaîne alimentaire.

La richesse et la diversité des organismes vivants augmentent avec la diversité des habitats et ce, pour tous les stades.

La gestion doit accorder une place particulière au maintien de cette diversité du milieu.


Nous reproduisons ci-dessous un article d’Alix NIHOUARN, ingénieur au Conseil Supérieur de la Pêche, Délégation régionale de Rennes, paru dans la revue du CSP « Eaux libres 1996 n°21 ».

 

« L’abondance de poissons dépend d’un ensemble de facteurs interdépendants (le climat, le couvert végétal, la présence d’insectes, la nature du fond, …) qui constituent autant de conditions au développement naturel d’une population de poissons. La mesure de certains paramètres (la température, le taux d’oxygène dissous , la granulométrie, …) va permettre de savoir si les conditions observées sont favorables à la présence et au développement d’une espèce particulière.

On va en premier vérifier si les conditions vitales propres à l’espèce sont respectées (l’animal tolère une plage de température, il lui faut un taux d’oxygène minimum au delà duquel il ne survit pas …). Ces paramètres généraux de l’environnement constituent une première famille et définissent l’aire d’extension maximale d’une espèce.

A un deuxième niveau, les paramètres biologiques de la dynamique de population conditionnent la réalisation de toutes les phases du cycle biologique. L’animal doit pouvoir trouver dans le milieu, outre les aptitudes lui permettant de survivre, celles qui sont nécessaires pour se nourrir, se déplacer et se reproduire (nourriture disponible, conditions de reproduction et de migration …). Pour une population d’une espèce donnée, la notion de contexte utilisée dans le PDPG (Plan départemental pour la protection du milieu aquatique et la gestion des ressources piscicoles) traduit l’extension géographique où s‘effectuent normalement ces fonctions.

Enfin, un troisième niveau comprend les paramètres de l’habitat physique (hauteur d’eau, vitesse de courant …) qui régissent le développement d’une population de poissons située dans son aire de répartition naturelle (1er niveau) et dans un contexte où le cycle biologique est normalement bouclé (deuxième niveau). En effet, des types de faciès variés (courants, profonds, plats, …) sont nécessaires pour satisfaire des exigences différentes selon les classes d’âge. Ce ne sont souvent pas les mêmes car les besoins des alevins peuvent être différents de ceux des adultes (pour la truite fario, les alevins dans les courants et les adultes dans les profonds …). La richesse d’un parcours va être liée à la possibilité pour l’individu de trouver dans ces faciès différents, les conditions locales de l’habitat qui lui conviennent. Plus le milieu est diversifié, plus il a de chances de comporter des micro habitats favorables qui sont autant de « cellules » individuelles pouvant être occupées par un poisson, et plus la population pourra être nombreuse. »

Bibliographie :

Enseigner la biologie et la géologie à l’école élémentaire - Guide des professeurs de écoles I.U.F.M. - R. Tavernier - Bordas - 1998

Rivières et paysages - M.-F. Dupuis-Tate, B. Fischesser - Editions de La Martinière - 2003
Lacs et rivières milieux vivants - G. Lacroix - Bordas - 1991
Les plantes aquatiques - ACTA - 1987
Eaux libres - Dossier gestion - N° 21 - C.S.P. - 1996
Atlas des poissons d’eau douce de France - P. Keith - MNHN - 2001
Les petits animaux des lacs et rivières - L. - H Olsen & C°- Delachaux et Niestlé - 2000
Le guide ornithologique - K. Mullarney & C° - Delachaux et Niestlé - 1999
Identifier les traces d’animaux - S. Signollet, D. Mansion - Editions Ouest France - 2002